Articles dans la catégorie “Coin Lectures”
L’aube, le soir ou la nuit. Yasmina REZA. Flammarion. Récit. 190 pages.
« Je comprends les questions de M. Sans elle, d’ailleurs, je n’aurai pas lu cet ouvrage. Il en reste une drôle d’impression. Evidemment, le petit bout de la lorgnette ne glorifie jamais l’objet ausculté ; si, comme le faisait chanter Jacques Martin à des millions de téléspectateurs, "on y voit bien mieux que par le grand bout", le problème, c’est que le Président de la République peut, par les fragments choisis, sembler uniquement mû par une énergie certes fulgurante mais désordonnée, déclinant les discours d’un autre, finalement sans grande cohérence. Ce serait ignorer que les boutades, les grossièretés enfantines, les rituels et les fausses certitudes, les raccourcis et les banalités font partie d’une indispensable concentration. D’entrée de jeu, Yasmina Reza montre, avec force et distanciation, son indépendance, sans occulter – avec honnêteté – quelques moments d’affection, voire d’admiration (bien rares il est vrai…). Puis le livre, progressivement, gagne en intérêt, laissant sur le côté les banalités égrenées au rythme d’un bloc note de BHL à des réflexions plus liées et révélatrices de l’esprit comme de la démarche du conquistador politique. Hélas, l’exercice littéraire retenu ne conduit à reprendre que des éléments épars de la personnalité d’un homme dont la réflexion, les convictions, les engagements sont anciens, profonds et travaillés. C’est évidemment cette densité qui manque dans un tel ouvrage et crée un sentiment de malaise. Le candidat victorieux apparaît léger parce que le livre est léger, parfois totalement inconsistant. Quant au reste, Nicolas Sarkozy est-il un cynique ou un tartuffe, comme s’interroge M ? Je n’en sais pas plus après avoir refermé la dernière page de "l’aube, le soir ou la nuit". Avec à mon sens une erreur de conjonction de coordination dans le titre, le "et" aurait été préférable au "ou". C’est bien là, dans la recherche de cet horizon qui s’échappe, que décrit Yasmina Reza et vécue par Nicolas Sarkozy, là, dans le sens de l’absurde, que réside la signification des actes en eux-mêmes, celle de l’existentialisme de la quête du politique. Elle est exprimée lumineusement par Cioran dans ses cahiers, cité par Yasmina Reza : "quand il m’arrive de travailler pendant des heures et d’être pris par ce que je fais, je ne pense pas du tout à la "vie" ni au "sens" de quoi que ce soit." Et toujours ce rapport au temps, consubstantiel au politique. Qu’il ait lieu durant "l’aube, le soir ou la nuit", cet abandon dans le travail est le plus salutaire des rochers. Sisyphe est chaque jour réinventé.» DL, octobre 2007.
Pastis à l’OM. Ray Grassi. Editions Payot. Fiction. 268 pages – 2007
« En voilà un drôle de pastis, celui de l’Olympique de Marseille. Ray Grassi, pseudonyme collectif de trois auteurs, écrit tout ce que les observateurs du club phocéen connaissent, avec humour et le style propre aux localiers de la PQR et aux journalistes sportifs, que les auteurs concernés sont probablement.
Point besoin de chercher qui se cache derrière les personnages, c’est évident.
Hormis, espérons-le, le cœur de l’intrigue, tout est vrai quant à la putréfaction d’un club de football marqué par les arrangements, les facilités, les malversations.
A lire pour savoir. Et allez les Girondins (qui hélas ne sont pas concurrents des « rouge et blanc » ! ». DL
Pas de deux à l’Elysée. Un tandem de pouvoirs. Emilie AUBRY et Muriel PLEYNET. Document. Editions Eloïse d’Ormesson. Juin 2006 – 445 pages.
« Voilà un angle intéressant, avec sa dose de pertinence anthropologique, pour qui aime observer la vie politique : 13 biographies de couples au pouvoir sous la cinquième République. Autant d’occasions d’éclairer le rôle et la personnalité du conjoint de celle ou de celui qui est aux commandes de la Nation (ou qui peut l’être), pour mieux cerner un certain style de pratique du pouvoir.
L’exercice auquel se livrent les deux auteurs est réussi. Ces chroniques, parfois trop rapides, évitent les pièges à la fois d’une description historique et exhaustive, qui n’aurait finalement que peu de sens, et d’un angle trop privé, disons « people », sans grande portée. Ecrit en duo avec une jolie plume journalistique, alors même que le couple Sarkozy était dans la tourmente et que l’on ignorait le candidat investi par le parti socialiste, l’ouvrage ne se trompe pas sur les caractéristiques et les stratégies des personnalités contemporaines décrites. Avec un brin de cruauté pour le couple Giscard d’Estaing. A lire, donc à acheter. » DL
Doggy Bag, Saison 3. Philippe DJIAN. Editions Julliard. Série littéraire. 248 pages – Novembre 2006
« Voilà donc la saison 3 de « Doggy Bag » (cf précédentes critiques). Incontestablement le meilleur de la série sur un plan littéraire. Avec un roman plus équilibré que les précédents, une écriture plus soignée, voire moins négligée. Un bon livre même ! On lira le quatrième… ». DL
Doggy Bag. Saison 4. Philippe DJIAN. Editions Julliard. Série littéraire. 248 pages – Avril 2007
« DJIAN semble retomber dans ses travers d’une écriture quelque peu triviale. Le quatrième opuscule redescend au niveau des deux premiers, avec tout de même un passage de belle et vraie littérature sur le thème de l’enfermement, celui de ce pauvre David Sollens. Quoiqu’il en soit, à bientôt pour la saison 5 ! ». DL
L’expérience du pouvoir – Conversations avec Jean BOTHOREL. Raymond BARRE. Entretiens biographiques. Editions Fayard. 348 pages – Janvier 2007
« Ce livre d’entretiens biographiques de l’un de nos décideurs politiques de plus haut niveau complète utilement les tomes du « Le pouvoir et la vie » de Valéry Giscard d’Estaing (voir infra). On retrouve dans « L’expérience du pouvoir » tout Raymond Barre, avec le meilleur, qui l’emporte largement, mais aussi le plus agaçant, que nous n’évoquerons pas ici, en raison notamment de l’état de santé actuel de l’ancien Premier Ministre.
Raymond Barre a exercé sa fonction – dans l’une des périodes les plus difficiles de notre histoire contemporaine sur le plan économique -, avec probité, clarté, autorité. Au-delà de l’intérêt historique de l’ouvrage, celui-ci se lit de façon plaisante, même s’il ressemble plus à un échange de questions-réponses écrites, relues et corrigées, qu’à un véritable dialogue. » DL
Le pouvoir et la vie : choisir. Valéry GISCARD D’ESTAING. Récit. Cie 12 – 548 pages.
« Voilà donc le troisième tome des aventures de Valéry Giscard d’Estaing à l’Elysée. Sur ce bel ouvrage de l’ancien Président de la République, tout a été dit et écrit concernant ses relations avec Jacques Chirac, dans le cadre de la campagne de la Présidentielle de 1981. Mais l’intérêt du livre est multiple :
– D’abord, il laisse toujours cette impression étrange, s’agissant de Valéry Giscard d’Estaing, qui tourne autour d’une question : comment cet homme peut-il être à la fois aussi intelligent, séduisant, innovant, et parfois d’une naïveté, ou plutôt d’un décalage, particulièrement agaçant, surtout lorsque les descriptions, au style littéraire un peu poussé, de « la vie », ne parviennent pas à totalement expliquer le manque de réaction, et soulignent l’impuissance pourtant « du premier des Français » face à l’effet dévastateur du dénigrement et de la calomnie, ici évidemment dans « l’affaire » des diamants, également sur le caractère monarchique et condescendant du septennat. Etrange aussi cette description des « lieux du pouvoir », qui, se voulant directe et simple, produit me semble-t-il l’effet inverse et cultive l’image de châtelain accolée à « l’ex », selon l’expression de Jean-Edern Hallier.
– En tout cas, un bel exercice de vérité pour celui qui, à juste titre, a voulu dédramatiser et objectiver la vie politique française.
– Le tout avec une belle plume. Même si l’on sent une grande envie d’écrire avec poésie, les passages sur « le pouvoir » sont rédigés dans un style plus naturel que ceux sur « la vie »… Ce qui n’est pas étonnant.
– enfin, en filigrane de ce roman vécu, la relation permanente, bien que parfois sous-jacente, avec Raymond Barre est particulièrement intéressante ; le lecteur la ressent manifestement complexe bien sûr, correcte toujours, respectueuse certes, mais imprégnée de ce fond de paranoïa sans laquelle la vie publique serait une sereine, et peut-être banale, arène.
Chassez le naturel, il revient au galop, comme le désir de pouvoir. En l’occurrence, c’est la vie (et c’est dans le titre).
Valéry Giscard d’Estaing comme toujours nous prend à contre-pied : soudainement poétique quand il est technocrate, séducteur et séduisant quand il parle vision économique, à côté quand il croit être au centre, élitiste quand il fait preuve de proximité, populaire quand il est professoral. Valéry Giscard d’Estaing donne sa version de la fin de son mandat, de son action, de ses décisions difficiles sur fond de chocs pétroliers.
Toujours et encore, il aime regarder la France au fond des yeux. Mais n’a-t-elle pas depuis longtemps détourné le regard ? C’est certainement dommage, ne serait-ce que pour l’intérêt d’une analyse juste de la période. » DL
La création du Monde. Jean d’ORMESSON. ROMAN. Editions Robert Laffont. Octobre 2006 – 210 pages.
« Il faut le lire, bien sûr. Parce que c’est Jean d’Ormesson, parce qu’il y est question de Dieu et des origines de l’univers, parce que c’est plus profond que cela pourrait en avoir l’air. De très belles et fortes « définitions poétiques » de l’espace et surtout du temps. Avec un travers qui colle si bien au panache de l’auteur : le roman est autant érudit qu’il est peu construit. » DL
Nostalgie de la princesse. Patrick BESSON. ROMAN. Editions Fayard. Avril 2006 (première parution : 1981, éditions du Seuil) – 286 pages.
« « Nostalgie de la princesse » n’est pas le meilleur BESSON, mais comme BESSON est l’un des meilleurs écrivains de sa génération, il eut été quand même dommage de laisser dans les rayons cette réédition d’un ouvrage publié initialement en 1981. Si les morceaux du puzzle ont quelques difficultés à s’assembler dans une intrigue un peu brouillonne, la précision simple de l’écriture de Patrick BESSON, sa capacité à créer des personnages cocasses et denses, suffisent à faire sortir « Nostalgie de la princesse » de la banalité. L’alternance de passages à la poésie talentueuse et réussie, dont seuls sont capables les grands écrivains, et d’autres à l’humour aiguisé de l’auteur de « Didier dénonce » font que le lecteur, en progressant au sein de la Principauté de Novembre, ne sait pas s’il se trouve sur « Le rivage des Syrtes » ou dans la « Présipauté de Groland ».» DL,août 2006