De la responsabilité partagée
« Cannes. Le Conseil municipal du 24 Juillet dernier restera parmi les temps forts de cette mandature, même si l’évènement est peut-être passé un peu inaperçu sur le plan médiatique. La surchauffe émotionnelle de la fameuse canicule explique certainement cela.
Le 24 Juillet donc, la délibération proposant un bail emphytéotique entre la Ville de Cannes et l’Association des musulmans de La Bocca, dans le prolongement du rapport de la mission municipale ad hoc, a été votée à l’unanimité des élus des cinq groupes composant l’assemblée délibérante cannoise. Y compris le Front National ! Voilà ce qui constitue une véritable actualité, politique, c’est à dire touchant aux relations humaines et non aux aléas climatiques.
Ce vote partagé est fruit d’au moins deux facteurs : d’abord la conscience individuelle de chaque élu bien sûr, aussi la méthodologie suivie, à la fois volontariste et non pas consensuelle mais « responsabilisante » pour tous.
Cette méthode est simple :
– en premier lieu s’emparer pleinement du problème, en résistant aux sirènes de ceux qui vous poussent à ne pas vous en occuper, pour un tas de raisons, notamment électorales ;
– ensuite poser clairement et précisément la situation telle qu’elle existe, c’est-à-dire mettre chacun face à une réalité avérée;
– puis mener à bien et de façon exhaustive la démarche des auditions, à la fois totalement ouvertes sur le fond et plutôt solennelles sur la forme, avec enregistrement de tous les entretiens, notamment de chaque groupe composant le Conseil municipal ;
– toujours faire preuve de franchise et beaucoup travailler pour tenter d’appréhender le mieux possible toutes les composantes de la problématique ;
– enfin, proposer au vote une décision inspirée de ce qui précède : principe de réalité, démarche de consultation et d’échanges, unité de discours et d’action, recherche permanente de l’équité, en l’occurrence entre les cultes, volonté de clarté et d’efficacité.
C’est ainsi, en exprimant un devoir de responsabilité et en le faisant partager, que l’on peut parvenir à une telle décision unanime, sur un sujet dont d’aucuns au départ annonçaient qu’il pourrait faire exploser la majorité municipale !
La responsabilité précisément, où se situe-t-elle sur ce dossier ? Bien sûr, il incombe aux pouvoirs publics d’une part de permettre à tous nos compatriotes de vivre dignement leur culte, dans l’esprit de l’article 1 de la loi de 1905, d’autre part de lutter contre la victimisation, terreau du radicalisme islamiste. Mais la responsabilité ne peut s’arrêter là. Elle doit être aussi assumée par les représentants des musulmans pratiquants : responsabilité d’être représentatifs, de tenir, donc concrétiser, les engagements pris (tels les prêches en Français et l’organisation de cours d’instruction civique). Responsabilité également d’affirmer certes le respect des lois républicaines (ce qui est une évidence), mais aussi la soumission dans la vie en société du spirituel au temporel et de promouvoir les valeurs qui fondent notre « vivre ensemble », la citoyenneté française, héritage de la pensée gréco-romaine, de la culture judéo-chrétienne et des principes libéraux, notamment la laïcité, socle de toute société occidentale moderne.
C’est vraiment ce que je voudrais modestement contribuer à construire dans notre ville, en recherchant ce qui doit rassembler, peut constituer une identité collective décomplexée, pour que chacun ait la possibilité de se sentir citoyen de façon pleine et entière, donc bénéficie de garanties et soit face à des responsabilités.
Parallèlement, alors que Cannes montrait cet exemple de la responsabilité partagée, le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) continuait ses soubresauts qui l’enfoncent ainsi un peu plus dans la crise. En effet, dimanche 9 Juillet, une majorité de membres du Conseil d’Administration de l’instance représentative des musulmans de France créée en 2003 refusait de siéger, à la suite de l’éviction du bureau exécutif, six mois auparavant, d’Abdullah BOUSSOUF, Recteur de la Mosquée de Strasbourg, et d’Abdelatif LEMSIBAK, au profit de Merzak BEKKAY et de Mohamed BECHARI. Le différend n’oppose plus en l’occurrence les responsables de la Grande Mosquée de Paris à ceux de l’UOIF et de la FNMF, mais les représentants nationaux de ces institutions à des notables locaux qui se veulent indépendants.
Quelles conclusions en tirer ? D’abord que ceux qui continuent à penser que « l’islam » est homogène et constitue un front politique uni devraient être rassurés…
Ensuite que cet islam de France souhaité puis encouragé à juste titre par les pouvoirs publics est en train de se fabriquer et que dans ce contexte, il n’échappe pas à ce qui caractérise toute entreprise humaine : les luttes de pouvoirs, les affrontements d’égos, les stratégies individuelles et les passions collectives. Parce que l’Homme est l’Homme, quelle que soit sa confession…
Enfin que les représentants des musulmans de France, sous l’égide d’Ali BOUBAKEUR, doivent néanmoins vite parvenir à apaiser le fonctionnement du CFCM et à assurer sa représentativité, au risque dans le cas contraire de faire le jeu de tous ceux qui se réjouiraient d’un échec de l’organisation de nos compatriotes musulmans : les racistes anti-arabes et surtout… les extrémistes islamistes.
Nous constatons, une fois de plus, qu’à tout droit (celui de vivre dignement son culte) doit correspondre un devoir (celui d’être à la hauteur du droit revendiqué).
Comme tant d’autres, cet exemple illustre l’une des principales distinctions existant entre l’incantation revendicatrice et l’action dans la cité, c’est-à-dire la politique au vrai sens du terme. On ne règle pas les problèmes comme on en parle au bistrot, même s’il est de bon ton de faire croire le contraire (et même si j’ai toujours beaucoup aimé parler politique au bistrot !), comme s’y attache une certaine presse bien plus populiste que tous les élus réunis. Cette distinction, elle vaut partout et pour tous, elle a pour nom : RESPONSABILITE». David Lisnard, le 31 Juillet 2006
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